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Janvier 2022

Antoine Boute

 

Les extraits qui suivent sont tirés de :

On peut boire la transpiration d’un cheval / Antoine Boute & co – Les Petits Matins, 2021. 

 

Ce livre a été réalisé avec des phrases d’étudiantes et d’étudiants des Écoles supérieures des arts bruxellois ERG et Saint-Luc, de la Villa Arson à Nice, ainsi que de diverses personnes rencontrées en diverses occasions.

 

 

 

 

 

Je suis un clown à la recherche de son propre cirque.

 

La pluie marque un renouveau, c’est pour ça qu’elle nous déprime.

 

C’est la lose d’avoir des parents dépressifs.

 

J’ai peur des gens énervés.

 

(…)

 

Je fume parce que c’est beau.

 

J’aime bien la lune car elle ne s’impose pas.

 

Quand je danse, je regarde les autres.

 

Je n’aime pas qu’on me dise que je suis paresseux, goinfre, bruyant et égocentrique.

 

J’aime parfois les maux de tête.

 

Enfant, j’étais gros.

 

 

 

Dormir est mon moyen de transport préféré.

 

Je me sens catapulte et trou noir en même temps.

 

J’ai la phobie des doigts dans les nombrils.

 

Les chats roulent sans phares la nuit.

 

Tous les jours je me lève et je pense : « Encore cette vie-là. Okay. »

 

 

J’ai appris à construire un palais mental, le genre où on peut se réfugier à l’intérieur de soi-même en cas de situation de crise. C’était il y a des années, j’étais censée m’entraîner, je ne l’ai pas fait et maintenant j’ai oublié comment y retourner.

 

Avec la matière est née la culture du gain.

 

Je vais me couper les veines avec une chips.

 

J’ai fait le tour du monde sur Google Maps, je peux mourir en paix.

 

 

La vie est belle, suffit de ne pas penser.

 

Se contenter du plaisir, pourquoi pas essayer ?

 

Je vais créer une philosophie de l’effacement : je m’abrutis par survie.

 

 

POUVOIR

J’aime appuyer sur mes plaies quand je me blesse.

INTELLIGENT

On peut boire la transpiration d’un cheval.

COMPRENDRE

Mes angoisses déclinent à partir de seize heures.

URGENCE

J’ai très peur de la solitude donc j’ai très peur de la mort.

CUISINER

J’ai honte quand j’aime bien la musique dans les Carrefour et Delhaize.

PLANQUE

Parfois je me sens mouton, parfois je me sens alien.

ESSAYER

Personne n’est névrosé, tout le monde est névrosé.

TÊTE

J’aime quand les choses dépassent.

MARRANT

J’ai envie de manger du chat.

ÉCLORE

Les nuages vivent.

 

 

 

J’ai 42 grains de beauté sur mon bras droit et 5 tatouages sur le gauche.

 

Je suis incapable d’arrêter d’aimer quelqu’un.

 

J’aurai des centaines de cicatrices pour toujours me rappeler de 2017.

 

Je pense que je suis une extension de la nature et oui j’ai des pouvoirs magiques.

 

Le roi Philippe sur les timbres, c’est dingue mais normal.

 

 

Extraits de On peut boire la transpiration d’un cheval / Antoine Boute & co – Les Petits Matins, 2021

 

 

Lorsque Véronique Bergen parle de On peut boire la transpiration d’un cheval…

 

La matière verbale fonctionne comme un incubateur de phrases entendues, collectées, aboutées, extraites de leur contexte d’origine, parachutées dans un hippolivre à mille pattes. On assiste à la production d’un ready made textuel. « Qui a écrit ce livre ? » interroge l’auteur en préambule. (…)

 

Antoine Boute met le feu aux constituants du langage, nous embarque dans un voyage au bout de l’écrire, dans un chantier de voix. Mettant en abyme le « qu’est-ce qu’écrire ? », la performance induit semblable bougé dans le « qu’est-ce que lire ? », « qu’est-ce que lire sans œillères, sans selle, sans brides ? ». (…)

 

Comment poétiser, agencer un texte bouturé qui rue comme un cheval, qui se tienne comme un cheval de Troie abritant en son ventre des poneys phrastiques agglutinés ? Le geste d’Antoine Boute consiste à faire de la littérature un cheval de Troie qui trolle l’espace des Lettres. Il nous plonge dans un « banquet biohardcore » car, si l’on peut boire la transpiration d’un cheval, on peut siroter des phrases qui ne se lisent pas mais se vivent.

 

Véronique Bergen, dans Le Carnet & les Instants

© John Sellekaers
© John Sellekaers

Biographie

Antoine Boute est poète et écrivain. Il travaille à faire se chevaucher poésie (écrite, sonore, graphique), philosophie, performance et musique expérimentale, notamment en écrivant des livres, en réalisant des lectures / performances, en proposant des workshops ou en organisant des événements. Il performe un peu partout en Belgique, France et Pays-Bas, en solo ou en collaborant avec divers artistes . Il programme des cycles d’événements et organise un festival biohardcore dans la forêt de Soignes de façon sporadique. Il enseigne aussi à l’École de Recherche Graphique et à l’ESA Saint-Luc à Bruxelles.

 

Bibliographie


On peut boire la transpiration d’un cheval / Antoine Boute & co – Les Petits Matins, 2021

Manuel de civilité biohardcore / Antoine Boute ; avec Stéphane De Groef et Adrien Herda – Fremok et Tusitala, 2020

Prompt / Antoine Boute – Les Bains-Douches, 2020

Apnée / Antoine Boute ; avec Chloé Schuiten, Clément Thiry et Jeanne Pruvot-Simonneaux – Onlit, 2018

Horoscope ; biohardcore / Antoine Boute et Chloé Schuiten – maelstrÖm, 2017 (Bookleg)

Opérations biohardcores / Antoine Boute – Les Petits Matins, 2017

Inspectant, reculer / Antoine Boute – Onlit, 2016

S’enfonçant, spéculer / Antoine Boute – Onlit, 2015

Les morts rigolos / Antoine Boute ; avec Vincent et Lucas Boute – Les Petits Matins, 2014

Tout Public / Antoine Boute – Les Petits Matins, 201

Émissions / Antoine Boute – Voix, 2010

Post crevette / Antoine Boute – L’Âne qui butine, 2010

Brrr ! Polars expérimentaux / Antoine Boute – Voix, 2010

Blanche Rouge / Antoine Boute – L’Arbre à Paroles, 2009

Neuf polars de saison / Antoine Boute – Publie.net, 2008

Technique de pointe (tirez à vue) / Antoine Boute – Le Quartanier, 2007

Retirez la sonde / Antoine Boute – L’Âne qui butine, 2010

Cavales / Antoine Boute – Mix, 2005

Blanche : Antoine Boute – Mix, 2004

Terrasses / Antoine Boute – Mix, 2004

 

Partition rouge : anthologie : poèmes et chants des Indiens d’Amérique du Nord / traduit et présenté par Jacques Roubaud et Florence Delay – Points, 2007 – Collection Poésie

La création mythique des peuples indiens, l’usage et l’invention des noms indiens, les métamorphoses animalières, les litanies des chamans et médecins, tels sont les grands thèmes regroupés dans cette anthologie de référence. Poèmes, petites chansons, légendes, incantations, épopées se déploient au fil du livre et traçent une conception toute particulière de la langue, de la parole, de l’écrit. Pour les Indiens d’Amérique du Nord, qui s’appelaient simplement « Les hommes » ou « Le Peuple », le mot était un acte, le poème agissait, l’art était la vie même. Véritable partition poétique, à la fois cosmogonique et musicale, d’une liberté d’imagination sans pareille, cette anthologie est un formidable hymne à la beauté.

[Note de l'éditeur]

 

Extrait :

 

je brille comme une étoile l’animal qui me regarde est ébloui

Les guérillères / Monique Wittig – Minuit, 1969

 

“ Depuis qu'il y a des hommes et qu'ils pensent, ils ont chacun écrit l'histoire dans leur langage : au masculin. Si les mots qualifiés sont de genre différents, l'adjectif se met au masculin pluriel " (Grévisse).


Les Guérillères s'écrivent comme sujet collectif à la troisième personne du féminin pluriel. Dans les lacunes des textes magistraux qu'on nous a donnés à lire jusqu'ici, les bribes d'un autre texte apparaissent, le négatif ou plutôt l'envers des premiers, dévoilant soudain une force et une violence que de longs siècles d'oppression ont rendu explosives.

[Note de l’éditeur]

 

Extrait :

 

Les oiseaux les sirènes nageantes Les arêtes translucides des ailes Les soleils verts les soleils verts Les prairies violettes et plates Les cris les rires les mouvements Elles affirment triomphant que Tout geste est renversement

Rage tendre / Jérôme Bertin – Au Diable Vauvert, 2021

 

Extrait :

 

il y a des mots crus et des baisers à la menthe Il y a un sens la merveille n’est pas encore cassée Marie Chadou mon amour Je croyais entendre battre ton cœur pour moi ce n’était que le bruit d’une ombre marchant sur la neige

Comment la terre s’est tue : pour une écologie des sens / David Abram – La Découverte, 2013

 

Comment se fait-il que les arbres ne nous parlent plus ? Que le soleil et la lune se bornent à décrire en aveugle un arc à travers le ciel ? Et que les voix de la forêt ne nous enseignent plus rien ? À de telles questions répondent souvent des récits qui font de nous, « enfants de la raison », ceux qui ont su prendre conscience que les humains étaient seuls au sein d’un monde vide et silencieux. Les peuples de tradition orale savent qu’il n’en est rien et l’enquête passionnante de David Abram leur donne raison. Plutôt qu’une prise de conscience, ce qui nous est arrivé est une brutale mutation écologique, qui a interrompu la symbiose entre nos sens et le monde. Toutefois, ce n’est pas l’ancien pouvoir d’animation des choses qui s’est tari. Ne sommes-nous pas témoins de scènes étranges ? N’avons-nous pas des visions ? Ne faisons-nous pas l’expérience d’autres vies… lorsque nous lisons ? Et si la magie vivifiante de nos sens avait été capturée par les mots écrits ? Les mots de David Abram possèdent cette magie, et surtout, ils réactivent l’expérience d’un monde au présent. Ce monde alentour qui, en sourdine, continue à nourrir nos manières de penser et de parler, de sentir et de vivre. Parce que la terre parle… 

[Note de l'éditeur]

L’heure de l’étoile / Clarisse Lispector - Éditions des Femmes, 1985

 

Ici, c’est un homme qui est habité par une jeune fille, venue de la misère du Nord-Est brésilien, à Rio, où elle mourra. « Je jure que ce livre est écrit sans mots. C’est une photographie muette. Ce livre est un silence. Ce livre est une question », écrit-il. Et il est tout occupé d’elle : écrire sa vie, sa mort doit le délivrer, lui qui a échappé au sort sans futur qu’elle subit. Il l’aime, comme on aime ce qu’on a craint de devenir… S’il avoue être le personnage le plus important des sept que comporte son histoire, il ne dit rien de celui dont la présence s’impose progressivement dans ces pages ; la mort qui efface le feu scintillant et fugace de L’Heure de l’étoile, l’heure à laquelle celle qui meurt devient, pour un instant, l’étoile de sa propre vie, désormais réalisée. L’heure de l’étoile a été adapté au cinéma par Susana Amaral en 1985.

[Note de l’éditeur]

https://music.youtube.com/watch?v=A3VPuUVWjc0&list=OLAK5uy_lPIlXOpHXtnhu5Ar1HbroDeT9xVNq_otk
https://music.youtube.com/watch?v=A3VPuUVWjc0&list=OLAK5uy_lPIlXOpHXtnhu5Ar1HbroDeT9xVNq_otk

SHOUKA / Mariem Hassan